Ilz [les Suisses] prindrent pourtant les Picques, comme baston tres vtilles, non seulement pour soustenir l’assault des gensdarmes, mais encores pour les vaincre : au moyen desquelles armes, & a la fiance quilz ont en leur bon ordre, ilz ont prinse telle audace, que XV ou XX mil hommes des leurs oseroient bien entrendre sur tout vn Monde des gens de cheual, comme ilz monstrerent a Nouare, & a Marignan: combien qu’il leur print mieulx de l’vne bataille que de l’autre.

Premier livre, f° 12.

Mettons le cas que les ennemis soient desia sortiz hors de leur fort,& pareillement les nostres,& que les vns & les autres n’entendent qu’a se rencontrer,& qu’ilz se soient approchez iusques a la vollée de canon.Supposons aussi,que lesdictz ennemis soient rengez en bonne forme de bataille,& qu’ilz ayent grosse puissance de toute manieres de gens […]. Vous pouez donc veoir que les Canoniers d’vn costé & d’autre ne dorment pas.Et si pouez oyr comment l’Artillerie tire. Prenons bien garde au meurtre quelle fera […]. Sur ce vous oyez le Trompette du Lieutenant general, qui sonne le cry ordonné pour commencer la bataille. Et ce faict,vous voyez noz Enfans perduz & noz Harquebusiers des flancz qui s’aduancent […]: & tous ensemble assaillent les ennemis sans tenir renc, & les approchent le plus furieusement, & en la plus grand’ crierie qu’ilz peuuent […]. Voyez comment noz Gens de cheual,& Gens de pied estant meslez les vns parmy les autres combatent vertueusement […]. Voyez vous comment le Lieutenant du Roy,& les Capitaines generaulx de la Cheuallerie & des Pietons,vont pardeuant les Bataillons, exhortant les Souldardz a bien faire,& les Capitaines aussi,en appellant chacun par son nom,ou par son office,monstrant la victoire estre en leurs mains,mais qu’ilz attendent & recoiuent le choc des ennemis sans s’esbranler? […] Escoutez le froissiz des Lances: tenez, les voyla meslez: aduisez le meurtre que les Picquiers d’icelluy Flanc font des Cheuaulx ennemis en courant parmy les nostres, lesquelz les soustiennent contre les charges que les ennemis font contre eulx […]. Et cecy ont ilz [les cavaliers ennemis] faict (comme ie croy) pour attendre plus brusqement le Hurt desdictz ennemis. Auez vous veu comment noz Gensdarmes ont donné de leurs Lances contre les flancz,& contre les pys des Cheuaulx des aduersaires […]? Regardez comment les ennemis meurent & tombent a monceaulx, n’ayant autre chose que la Picque & l’Espee,lesquelles sont inutiles […]: & les Picquiers & Harquebuziers des Flancz se mettent aussi a poursuyuir la victoire […].

Premier livre, fo 36-37.

Et toutes les XII enseignes deuroient estre d’vne colleur, & auoir quelque difference en facon, ou par quelque barres, pour estre congneues les quantiesmes elles seront, & pour congnoistre facilement le lieu qu’lles doyuent tenir estant en bataille. Ie vouldroye pareillement que les souldars se vestissent de la colleur des enseignes, pour s’en recongnoistre mieulx:& qu’ilz eussent quelque diuise, ou quelques congnoissances en leurs chausses, par laquelle lon peut discerner les souldars des vnes bendes aupres des autres. Les Chefz & officiers doyuent auoir leurs Cabassetz couuertz de quelque coulleur, ou bien qu’ilz eussent des Bauderelles pour se faire congnoistre d’assez loing.

Premier livre, fo 37.

Chacune bende donc doibt apprendre a part soy a bien tenir le renc en toute qualité de mouuement,Cestascauoir a marcher lentement,ou en diligence: & d’auantage apprendre tous les sons,tous les signes,& tous les criz,par lesquelz lon commande en vne bataille,& que chacun congnoisse leur signifiance, ne plus ne moins que les forcez des Galleres entendent ce qu’il leur fault faire par seul sifflet du Commit,en quoy le souldart doibt estre prompt & aduisé pour obeyr incontinent & a proposrt a la batterie des Tabourins, soit pour marcher auant,ou pour s’arrester ou pour reculler,ou bien pour tourner le visaige & les armes deuers quelque part.

Premier livre, chapitre VI, f.o 16

Et pour vous dire la cause qui me faict ordonner des Trompettes pour les gens de pied,c’est qu’ilz seront beaucoup mieulx entenduz que les Tabourins ne pourroient estre,s’il y auoit vn grand tumulte […]. Et a ces fins voyez vous qu’ilz ont des Trompette audeuant de leurs Bataillons,par lesquelz leurs Chefz signifient ce que le Bataillon doibt faire

Premier livre, chapitre VI, f.o 16

Mais qui vouldroit que tout vn Bataillon tournast tout d’vne piece,comme lon dict, & comme s’il estoit vn corps massif, il fauldroit en cecy auoir vne grand’ praticque & discretion:car pour le tourner sur la main senestre il fauldroit que le coing gauche s’arrestast, & que ceulx qui luy sont aupres s’aduenceassent si lentement,que ceulx du coing droict ne fussent contrainctz de courir,autrment tout se confondroit:mais cecu se peult mieux monstrer par effect que par escript.

Premier livre, chapitre VII, fo 18-19

Ces Hommes d’armes doyuent auoir l’Espee, d’armes au costé,l’Estoc a l’Arcon de la Selle d’vne part,& la Masse de l’autre: leur Lance sera grosse & bien longue,leurs Robes seront de la couleur de l’Enseigne,laquelle & le Guydon doyuent estre de la mesme couleur que sont les Enseignes des Pietons d’icelle Legion.

Premier livre, chapitre VIII, fo 25.

Les Picquiers sont vtiles contre les Cheuaulx:& quand lon vient contre les gens de Pied, Bataillon contre Bataillon,elles seruent tres bien deuant que les Rencz se restraignent:pource que depuis qu’ilz sont restrainctz elles deuiennent inutilles.Dont les Suisses pour euiter cest inconuenient,mettent de III en III rencz de Picques vn renc de Hallebardes,ce qu’ilz font pour donner espace & lieu pour combatre en vne presse a leurs Picquiers.

Premier livre, chapitre X, fo 29-30.

Français (Fourquevaux) Machiavel (Italien)
Récit et description d’une bataille.
Mettons le cas que les ennemis soient desia sortiz hors de leur fort,& pareillement les nostres,& que les vns & les autres n’entendent qu’a se rencontrer,& qu’ilz se soient approchez iusques a la vollée de canon.Supposons aussi,que lesdictz ennemis soient rengez en bonne forme de bataille,& qu’ilz ayent grosse puissance de toute manieres de gens […]. Vous pouez donc veoir que les Canoniers d’vn costé & d’autre ne dorment pas.Et si pouez oyr comment l’Artillerie tire. Prenons bien garde au meurtre quelle fera […]. Sur ce vous oyez le Trompette du Lieutenant general, qui sonne le cry ordonné pour commencer la bataille. Et ce faict,vous voyez noz Enfans perduz & noz Harquebusiers des flancz qui s’aduancent […]: & tous ensemble assaillent les ennemis sans tenir renc, & les approchent le plus furieusement, & en la plus grand’ crierie qu’ilz peuuent […]. Voyez comment noz Gens de cheual,& Gens de pied estant meslez les vns parmy les autres combatent vertueusement […]. Voyez vous comment le Lieutenant du Roy,& les Capitaines generaulx de la Cheuallerie & des Pietons,vont pardeuant les Bataillons, exhortant les Souldardz a bien faire,& les Capitaines aussi,en appellant chacun par son nom,ou par son office,monstrant la victoire estre en leurs mains,mais qu’ilz attendent & recoiuent le choc des ennemis sans s’esbranler? […] Escoutez le froissiz des Lances: tenez, les voyla meslez: aduisez le meurtre que les Picquiers d’icelluy Flanc font des Cheuaulx ennemis en courant parmy les nostres, lesquelz les soustiennent contre les charges que les ennemis font contre eulx […]. Et cecy ont ilz [les cavaliers ennemis] faict (comme ie croy) pour attendre plus brusqement le Hurt desdictz ennemis. Auez vous veu comment noz Gensdarmes ont donné de leurs Lances contre les flancz,& contre les pys des Cheuaulx des aduersaires […]? Regardez comment les ennemis meurent & tombent a monceaulx, n’ayant autre chose que la Picque & l’Espee,lesquelles sont inutiles […]: & les Picquiers & Harquebuziers des Flancz se mettent aussi a poursuyuir la victoire […].I, ffo 36-37. Non sentite voi l’artiglierie ? Le nostre hanno già tratto, ma poco offeso il nimico; e i veliti estraordinarii escono de’ luoghi loro insieme con la cavalleria leggiere, e più sparsi e con maggiore furia e maggior grida che possono, assaltano il nimico; l’artiglieria del quale ha scarico una volta e ha passato sopra la testa de’ nostri fanti sanza fare loro offensione alcuna. E perch’ella non possa trarre la seconda volta, vedete i veliti e i cavagli nostri che l’hanno già occupata, e che i nimici, per difenderla, si sono fatti innanzi; tal che quella degli amici e nimici non può più fare l’ufficio suo. Vedete con quanta virtù combattono i nostri, e con quanta disciplina, per lo esercizio che ne ha fatto loro fare abito e per la confidenza ch’egli hanno nell’esercito; il quale vedete che, col suo passo e con le genti d’arme allato, cammina ordinato per appiccarsi con l’avversario. Vedete l’artiglierie nostre che, per dargli luogo e lasciargli lo spazio libero, si sono ritirate per quello spazio donde erano usciti i veliti. Vedete il capitano che gli inanimisce e mostra loro la vittoria certa. Vedete che i veliti ed i cavagli leggieri si sono allargati e ritornati ne’ fianchi dell’esercito, per vedere se possono per fianco fare alcuna ingiuria alli avversarii. Ecco che si sono affrontati gli eserciti. Guardate con quanta virtù egli hanno sostenuto lo impeto de nimici, e con quanto silenzio, e come il capitano comanda agli uomini d’arme che sostengano e non urtino e dall’ordine delle fanterie non si spicchino. Vedete come i nostri cavagli leggieri sono iti a urtare una banda di scoppiettieri nimici che volevano ferire per fianco, e come i cavagli nimici gli hanno soccorsi: tal che, rinvolti tra l’una e l’altra cavalleria, non possono trarre e ritiransi dietro alle loro battaglie. Vedete con che furia le picche nostre si affrontano, e come i fanti sono già sì propinqui l’uno all’altro, che le picche non si possono più maneggiare; di modo che, secondo la disciplina imparata da noi, le nostre picche si ritirano a poco a poco tra gli scudi. Guardate come, in questo tanto, una grossa banda d’uomini d’arme, nimici, hanno spinti gli uomini d’arme nostri dalla parte sinistra, e come i nostri, secondo la disciplina, si sono ritirati sotto le picche estraordinarie, e, con lo aiuto di quelle avendo rifatto testa, hanno ributtati gli avversari e morti buona parte di loro. Intanto tutte le picche ordinarie delle prime battaglie si sono nascose tra gli ordini degli scudi, e lasciata la zuffa agli scudati; i quali guardate con quanta virtù, sicurtà e ozio ammazzano il nimico. Non vedete voi quanto, combattendo, gli ordini sono ristretti, che a fatica possono menare le spade ? Guardate con quanta furia i nimici muoiono. Perché, armati con la picca e con la loro spada, inutile l’una per essere troppo lunga, l’altra per trovare il nimico troppo armato, in parte cascano feriti o morti, in parte fuggono. Vedetegli fuggire dal destro canto; fuggono ancora dal sinistro, ecco che la vittoria è nostra. Non abbiamo noi vinto una giornata felicissimamente ? Ma con maggiore felicità si vincerebbe, se mi fusse concesso il metterla in atto. E vedete che non è bisognato valersi né del secondo né del terzo ordine; che gli è bastata la nostra prima fronte a superargli. In questa parte io non ho che dirvi altro, se non risolvere se alcuna dubitazione vi nasce.III, 5.
L’usage de la musique militaire pour transmettre les ordres.
Et pour vous dire la cause qui me faict ordonner des Trompettes pour les gens de pied,c’est qu’ilz seront beaucoup mieulx entenduz que les Tabourins ne pourroient estre,s’il y auoit vn grand tumulte […]. Et a ces fins voyez vous qu’ilz ont des Trompette audeuant de leurs Bataillons,par lesquelz leurs Chefz signifient ce que le Bataillon doibt faire.I, fo 16. Però farei presso al capitano generale stare I trombetti, come suono non solamente atto a infiammare l’esercito, ma atto a sentirsi in ogni romore più che alcuno altro suono.III, 5.
L’avantage des piques sur la cavalerie lourde.
Ilz [les Suisses] prindrent pourtant les Picques, comme baston tresvtilles, non seulement pour soustenir l’assault des gensdarmes, mais encores pour les vaincre : au moyen desquelles armes, & a la fiance quilz ont en leur bon ordre, ilz ont prinse telle audace, que XV ou XX mil hommes des leurs oseroient bien entrendre sur tout vn Monde des gens de cheual, comme ilz monstrerent a Nouare, & a Marignan: combien qu’il leur print mieulx de l’vne bataille que de l’autre.I, fo 12. Questo modo dello armare fu trovato da’ populi tedeschi e massime dai Svizzeri; i quali, sendo poveri e volendo vivere liberi, erano e sono necessitati combattere con la ambizione de’ principi della Magna;; onde ne nacque che, essendo a piè e volendosi difendere da’ nimici che erano a cavallo, convenne loro ricercare degli antichi ordini e trovare arme che dalla furia de’ cavagli gli difendesse […]. Presono pertanto per arme le picche, arme utilissima non solamente a sostenere i cavagli, ma a vincergli. E hanno per virtù di queste armi e di questi ordini presa i Tedeschi tanta audacia, che quindici o ventimila di loro assalterebbero ogni gran numero di cavagli; e di questo da venticinque anni in qua se ne sono vedute esperienze assai.II, 2.
L’armement des soldats au début du XVIe siècle.
La facon du temps present est d’armer l’homme de pied d’vn Hallecret complet,ou d’vne Chemise ou Golette de maille , & de Cabasset,ce qui me semble assez suffisant pour la defence de la personne:& le treuue meilleur que la Cuyrasse des anciens n’estoit. Quant auz armes pour offendre, nous portons l’Espee comme eulx,mais vn peu plus longue:les autres armes sont, la Picque,la Hallebarde,la Pertuzane,la Harquebuze,& plusieurs autres moins accoustumees parmy souldars,& la Rondelle […]. La Harquebuze a esté trouuee de peu d’ans en ca, & est tresbonne, mais qu’elle soit gouuernee par gens adroictz […].I, fo 11. Parmi bene solo da ragionare del modo dello armare presente. Hanno i fanti, per loro difesa, uno petto di ferro e, per offesa, una lancia nove braccia lunga, la quale chiamano picca, con una spada al fianco piuttosto tonda nella punta che acuta. Questo è l’armare ordinario delle fanterie d’oggi, perché pochi ne sono che abbiano armate le stiene e le braccia, niuno il capo; e quelli pochi portano in cambio di picca una alabarda, l’asta della quale, come sapete, è lunga tre braccia e ha il ferro ritratto come una scure. Hanno tra loro scoppiettieri, i quali, con lo impeto del fuoco, fanno quello ufficio che facevano anticamente i funditori e i balestrieri.II, 2.
La façon d’identifier les soldats.
Et toutes les XII enseignes deuroient estre d’vne colleur, & auoir quelque difference en facon, ou par quelque barres, pour estre congneues les quantiesmes elles seront, & pour congnoistre facilement le lieu qu’elles doyuent tenir estant en bataille. Ie vouldroye pareillement que les souldars se vestissent de la colleur des enseignes, pour s’en recongnoistre mieulx:& qu’ilz eussent quelque diuise, ou quelques congnoissances en leurs chausses, par laquelle lon peut discerner les souldars des vnes bendes aupres des autres. Les Chefz & officiers doyuent auoir leurs Cabassetz couuertz de quelque coulleur, ou bien qu’ilz eussent des Bauderelles pour se faire congnoistre d’assez loing.I, fo 37. A che gli antichi avevano tanta cura, che, non ch’altro, avevano scritto nella celata il numero, chiamandoli primo, secondo, terzo, quarto, ecc. E non erano ancora contenti a questo; che de’ soldati ciascuno aveva scritto nello scudo il numero della fila e il numero del luogo che in quella fila gli toccava. Sendo dunque gli uomini contrassegnati così e assuefatti a stare tra questi termini, è facil cosa, disordinati che fussono, tutti riordinarli subito; perché, ferma che è la bandiera, i centurioni e i capidieci possono giudicare a occhio il luogo loro, e, ridottisi i sinistri da sinistra, i destri da destra con le distanze loro consuete, i fanti, guidati dalla regola loro e dalle differenze de’ contrassegni, possono essere subito ne’ luoghi propri.II, 8.