Se vêtir à la cour de François Ier (1515-1520)

La cour du roi François

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« Chateau d’amboise depuis l’ile » par Turb — Travail personnel. Sous licence CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

En 1518, la cour de François Ier en 1518 était encore itinérante entre les différentes résidences du val de Loire, d’Ile-de-France et les déplacements dans les provinces (Picardie, Lyon en 1517). Elle était composée non seulement de la famille royale (roi, reine, mère du roi et les enfants royaux) mais aussi de leurs maisons, c’est-à-dire des personnes (aristocrates ou roturiers) attachées au service de leurs personnes. S’y ajoutaient, dans son sens large, un ensemble de membres permanents ou semi-permanents : membres du gouvernement, princes et leurs suites, ambassadeurs, nobles solliciteurs, marchands, artisans et filles de joie suivant la cour. Un prévôt de l’hôtel maintenait l’ordre avec ses archers. Le Grand Maître Artus Gouffier de Boissy supervise la cour entre 1515 et 1519.

Il est difficile de connaître précisément combien de personnes peuplaient alors la cour, mais la taille de celle-ci ne fit que s’accroître durant le règne, jusqu’à atteindre à son maximum 10 000 personnes. Bien plus importante en nombre et en éclat que celle de ses prédécesseurs, la cour de François Ier était le lieu par excellence du pouvoir et de la culture. Elle restait néanmoins un monde d’hommes, même si la présence des dames, croissante et permanente depuis Anne de Bretagne qui créa une maison de la reine avec dames et filles d’honneur, y était plus importante que lors des règnes précédent. Le roi voyait en effet en elles un ornement essentiel de sa cour.

 

Splendeur et magnificence

« François Ier Louvre » par Oakenchips — Travail personnel. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons

« François Ier Louvre » par Oakenchips — Travail personnel. Sous licence Domaine public via Wikimedia Commons

Le jeune souverain — 24 ans en 1518 — tenait à ce que la cour brillât par sa magnificence, expression, sur le plan national comme international, de la position sociale de ses membres et de la puissance du vainqueur de Marignan (1515). Cérémonies (entrées royales en ville, baptêmes, mariages), rencontres avec des souverains étrangers et fêtes étaient autant d’occasion d’exprimer visuellement l’ostentation grandissante de la société de cour française. Celle-ci s’exprimait par différents éléments de la culture matérielle, notamment par les vêtements revêtus à ces occasions. En 1518 le baptême du Dauphin (Amboise, 25 avril), le mariage de Madeleine de la Tour d’Auvergne avec Laurent de Médicis (Amboise, 2 mai), le Banquet de la Bastille lors de la ratification du traité de Londres avec le roi d’Angleterre (Paris, décembre) et plus tard la rencontre avec celui-ci, au Camp du Drap d’or (Guînes, juin 1520) furent autant d’occasion de déployer le faste de sa cour pour l’ambitieux roi de France.

Les sources iconographiques et économiques concernant les vêtures et garde-robes royales et aristocratiques, lors des toutes premières années du règne, sont très rares. Néanmoins quelques témoignages contemporains donnent un aperçu de la magnificence recherchée.

Lors de son mariage en mai 1518, Madeleine de la Tour d’Auvergne, descendante de Saint-Louis par sa mère, fut parée somptueusement comme l’exigeait sa dignité princière. Au luxe des étoffes s’ajoutait le port de joyaux. « La mariée était vêtue d’une robe de riche drap d’or avec, sur la tête, de nombreux diamants de grande taille et de grosse perles. Au cou elle portait, attaché à un rang de perles très belles, une grande émeraude. Elle tenait attaché à une chaîne d’or un énorme diamant taillé. Beaucoup d’autres joyaux entouraient le décolleté de sa robe », relate le mantouan Stazio Gadio. Les habits de draps et toiles d’or et d’argent étaient très appréciés de deux sexes lors des cérémonies. Ainsi les aristocrates qui escortaient le Dauphin lors de son baptême, quelques jours plus tôt, étaient tous vêtus de robe de drap d’or. Toiles d’or ou argent mais aussi des soieries précieuses (velours, damas, brocard) contribuaient littéralement à rendre la cour brillante, de même que les passements et broderies métalliques.

Ces ornements pouvaient valoir bien plus que le vêtement lui-même. Il en était de même pour la pelleterie (martre zibeline, letice etc.). Les soieries rouges étaient aussi très appréciées lors des fêtes. Sinon, on trouvait des violet, tanné (brun roux), noir, gris, blanc, vert, bleu et jaune dans les garde-robes aristocratiques. François Ier lui-même portait une large palette de couleurs, d’après les rares comptes qui subsistent pour son règne (1536 et 1541) : blanc, noir, rouge, tanné, violet, gris, bleu ou jaune, et bien sûr, or et argent. Il lui arrivait de porter des habits à ses couleurs personnelles (noir, blanc, parfois tanné) qu’il faut distinguer des couleurs de sa livrée, arborées par ses pages, chantres, fous, musiciens, valets et domestiques (violet, jaune, incarnat).

 

L’influence italienne

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« Isabella d’Este Rubens » by Peter Paul Rubens – http://www.3pipe.net/2012/03/art-and-patronage-in-21st-century-new.html. Licensed under Public Domain via Wikimedia Commons

 

L’italianisme était réel en matière de mode à la cour dans les premières années du règne et poursuivait l’attirance culturelle pour l’Italie amorcée à la fin du XVe siècle. François Ier n’hésitait pas à faire venir de la péninsule des accessoires ou des habits complets pour les offrir aux dames de sa cour. À la demande du roi, Federico de Gonzague, en résidence à sa cour, écrivit en novembre 1515 à sa mère Isabelle d’Este, réputée pour son élégance, afin qu’elle lui envoyât une poupée de mode vêtue des manches, chemises, robes, coiffes et coiffures qu’elle appréciait. François Ier avait l’intention de faire reproduire ces éléments, à la mode à Mantoue et à Milan, pour les donner aux dames. Le type de coiffure, la forme du décolleté et celle des manches distinguaient nettement les modes féminines italiennes des françaises. Chez les gentilshommes, certaines pièces vestimentaires étaient d’origine italienne, tels la dogaline, d’origine vénitienne, ou le bonnet à la Milanaise (voir Vêtir le gentilhomme).

On ne peut néanmoins pas déduire de la curiosité pour les modes italiennes à la cour une invasion de celles-ci dans les garde-robes ou dans les usages quotidiens, en tout cas en ce qui concerne les dames. L’éphémère reine de France Mary Tudor, sœur d’Henri VIII d’Angleterre, avait fin 1514 dans son trousseau quinze robes et sept cottes à la française, neufs robes et huit cottes à l’anglaise, mais seulement deux robes à la mode lombarde et trois bonnets milanais. Jamais les dames n’ont porté au quotidien des robes confectionnées entièrement à l’italienne. En ce début de règne, alors que le jeune roi cherchait encore à justifier ses prétentions sur le duché de Milan, leur usage était réservé aux fêtes (banquets, bals, ballets, mascarades) durant lesquelles les dames étaient amenées à pratiquer des danses italiennes ou à servir des invités. Ainsi, afin d’impressionner les ambassadeurs anglais venus ratifier le traité de Londres, François Ier leur offrit à la Bastille à Paris, le 22 décembre 1518, un somptueux banquet en présence de la reine et des dames et demoiselles, habillées à la française. Mais une trentaine d’entre elles furent vêtues à la lombarde pour danser des pavanes milanaises puis servir une collation aux ambassadeurs, légat, princes et gentilshommes présents.

Les modes italiennes n’étaient pas les seules à entrer dans les garde-robes curiales. L’influence germanique était aussi notable dans le vestiaires masculin notamment : les taillades faisaient fureur ; de larges bérets plats à rebras pouvaient remplacer le bonnet habituellement porté en France ; une chemise à col « à l’allemande, avec un col haut [montant sur la gorge] travaillé de soie blanche », par exemple.

Isabelle Paresys, université de Lille 3