A la Reine, Mère du roi

Par Jean Nestor

 A Paris chez Charles Perier, rue S. Jean de Beauvais, au Bellerophon, Avec privilège du Roi.

Laurent de Médicis, Duc d’Urbin

Après la mort du seigneur Julien, son neveu Laurent demeura seul et unique gouverneur de la Toscane, sous le Pape Léon son oncle, avec une autorité si grande que, chose aucune ne se traitait en la République de Florence, chose ne s’arrestait  ou conduisait par le Sénat, & ne se publiait édit aucun, que premièrement il n’en eust la communication : aussi tout y était administré par l’industrie de ses meilleurs amis, spécialement de sa mère Alphonsine, femme bien prudente mais d’un esprit remuant & non moins cupide de grands honneurs que de grands biens. Laquelle à raison de ce, sollicitait importunément le Pape Léon à l’avancement de son fils Laurent & le stimulait au remuement de plusieurs  choses qui ne semblaient totalement raisonnables, jusqu’à l’induire de mettre hors le Duché d’Urbino François Marie de Rovere, & en investir le jeune Laurent, son neveu. Alphonsine colorait sa demande & la rendait juste par les raisons suivantes. Remontrait en premier lieu que François Marie n’estait seigneur légitime d’Urbin, auquel son oncle le feu Pape Jules l’avait installé au préjudice des Feltriens, en la famille desquels feignait d’être adopté. Puis qu’étant gouverneur à Bologne pour le pape Jules, son oncle, il avait refusé tout à plat le secours que les Médicis lui avaient instamment demandé pour rentrer en leur pays, en quoi le dit François s’était montré trop favorable et ami de leurs adversaires. Davantage quand de fresche mémoire s’était faite une levée de gens pour empêcher la première entrée du Roi François au Duché de Milan, François Marie avait pris  argent de Julien de Médicis Lieutenant général pour le Pape son frère, avec obligation de le suivre accompagné de quelque cavalerie, vilainement avait rompu sa foi, & retiré ses gens de cheval incontinent qu’il entendit le seigneur Julien être tombé malade, allégeant pour toute excuse, n’être raisonnable que celui qui avait commandé comme chef en plusieurs guerres et de longtemps, marchast sous l’enseigne du jeune Laurent établi en la place de son oncle Julien : & que s’était soumis au dit Julien pour le fait de cette guerre , il l’avait seulement fait à raison  de leur seule amitié, en espérance toutefois que l’honneur ressortant d’icelle serait également départi l’un à l’autre. p. 134…

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Environ ce temps, à sçavoir l’an 1517, le premier jour de Février la Reine de France accoucha de son premier fils à la ville d’Amboise, le Roi invita le Pape pour lui estre parrain, lequel soudainement envoya son neveu Laurent en fort bon équipage, pour honorer son lieu au baptême de cet enfant nommé François par les Ducs de Lorraine et d’Urbin, ayant pour grand mère la Duchesse d’Alençon sœur unique du Roi.

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ce fust le vingt cinquième jour d’avril ensuivant l’an 1518. Pendant que le Duc d’Urbin séjourna en France, il eut le moyen  de voir la plupart de la noblesse exquise, qui se trouva aux pompes, festins & tournois célébrés en l’honneur de ce nouveau Daulphin,. Mais ce qu’il y vit de plus grande affection & de meilleur cœur, fut une Princesse de la maison de Bologne, issue de sang royal, de laquelle fut si vivement frappé que, retournant en Italie, il laissa son esprit et son cœur en France, dédiés au service de cette dame.  Même étant à Rome ne sut reposer  à l’aise, jusqu’à ce qu’il en eut tenu propos au Pape & l’eut humblement supplié de vouloir moyenner ce mariage si faire se pouvait. LePape bien recors comme le Roi François avait reconnu son neveu Laurent en sa grande nécessité, & que le dessein de son dict neveu était de plus tôt s’appuyer sur l’amitié des François que sur celle des Espagnols, qui tous luin étaient à contre cœur, pouce qu’en la dernière guerre ils avaient tâché de ruiner la maison Médicis, se mit en tout devoir de renouveler en France une alliance de mariage, pareille, ou possible,plus grande que celle que son frère Julien y avait pratiquée. Ainsi fut à sa poursuite accordé le mariage de son neveu Laurent Duc d’Urbin, & de Madame Magdeleine, fille du dernier Comte de Bologne, laquelle ledit Laurent reçeut en magnifique appareil & épousa à `Florence audict an 1518. Mais leur mariage ne dura pas beaucoup, pour ce qu’au bout de dix mois, environ le temps que trépassa l’empereur Maximilien, ils

p.142 décédèrent tous deux à cinq jours l’un de l’autre. La Princesse mourut en gésine, après qu’elle se fut accouchée d’une fille…