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Artus Gouffier (1474-1519), seigneur de Boisy et d’Oiron, grand-maître de France, a été le principal conseiller de François Ier au cours des premières années du règne. Gouverneur du jeune comte d’Angoulême depuis 1506, il accéda aux plus hautes charges de l’Etat à partir de 1515 lorsque ce dernier devint roi de France.

Le seigneur de Boisy et son frère, le seigneur de Bonnivet, n’étaient pas des hommes nouveaux comme le laissèrent entendre les mémorialistes de l’époque. Leur famille, implantée dans le Poitou depuis la guerre de Cent Ans, était représentative de cette nouvelle élite provinciale que les historiens nomment noblesse seconde. Secondant le roi administrativement mais aussi militairement dans la plupart des provinces du royaume, ces familles de moyenne noblesse construisirent leur puissance en s’attachant directement à la fidélité du roi, sans passer par l’intermédiaire d’un prince ou d’un grand noble titré. Elles devinrent vite des rouages fidèles et indispensables à un pouvoir royal alors en pleine expansion mais manquant furieusement de soutiens sur le terrain.

Artus était le fils aîné de Guillaume Gouffier, seigneur de Boisy, qui fut l’un des favoris de Charles VII et de Philippe de Montmorency, issue d’une des plus grandes maisons de la noblesse française. Sept autres enfants suivirent parmi lesquels Adrien, futur évêque d’Albi et cardinal, et Guillaume, futur amiral de France. Dès 1490, le jeune Artus devint enfant d’honneur de Charles VIII. « Nourri » par le roi, il en fut l’un des compagnons d’armes lors de la conquête du royaume de Naples en 1495. Lorsqu’en 1506 Artus Gouffier fut nommé gouverneur de François de Valois, comte d’Angoulême, il était déjà un grand serviteur de la couronne de France. Depuis 1503, il était bailli de Vermandois, avant d’être nommé, en 1514, capitaine de Chinon. Mais ce fut la charge de gouverneur du jeune comte qui s’avéra être déterminante dans l’ascension du seigneur de Boisy car, en l’absence d’un dauphin, François d’Angoulême devint l’héritier présomptif de la couronne.

Une semaine après son avènement, François Ier montra l’étendue de la faveur qu’il accordait à son ancien gouverneur en le nommant grand maître de France. Boisy devint alors l’un des plus grands officiers de la Couronne et le plus proche conseiller du jeune roi. Sensible à l’humanisme érasmien, le seigneur de Boisy souhaitait que le roi de France, nouveau César, établisse une paix universelle à l’échelle de la chrétienté en assurant la concorde entre les Etats européens mais aussi l’hégémonie de la France. La première mise en œuvre de ce principe fut la négociation du Concordat de Bologne, au cours de laquelle Artus fit nommer son frère cadet Adrien cardinal et légat a latere  pour le royaume de France. C’était bien l’ensemble de la maison des Gouffier qui profitait des faveurs du roi. Au mois d’août 1516, Boisy continua cette politique d’apaisement en signant un traité de paix universelle à Noyon avec les ambassadeurs de Charles Ier d’Espagne. Ce dispositif fut complété par la paix de Cambrai, signée en 1517 avec les émissaires de l’empereur Maximilien et par le traité de Londres en 1518. Rongé par la goutte, Boisy délégua à son frère cadet, Guillaume de Bonnivet, le soin des négociations avec Henri VIII. Après des mois de maladie, le grand-maître décéda le 13 mai 1519 à Montpellier alors qu’il tentait de renforcer la paix contractée avec Charles Ier d’Espagne à l’heure de la succession impériale. Boisy fut célébré par ses contemporains comme le modèle du bon conseiller sage et pondéré, artisan du bon gouvernement tel que les humanistes l’entendaient.

Sa mort vint cependant marquer un coup d’arrêt à l’incroyable ascension des Gouffier. En effet, le 3 avril 1519, François Ier signa, par lettres patentes, l’érection des seigneuries foréziennes d’Artus Gouffier en duché pairie de Roannais. C’était la première fois que ce titre était attribué en dehors du cercle des princes du sang. Mais la mort du grand maître rendit obsolète la décision royale et celle-ci ne prit jamais effet.

Son frère cadet, Guillaume Gouffier, seigneur de Bonnivet, lui succéda dans la faveur du roi mais en tant que favori et non en tant que conseiller.