Quels types de vêtements pouvaient porter les gentilshommes français à la cour de François Ier, lors des fêtes, telle celle donnée à Amboise les 14 et 15 mai 1518 ?
Habillons les des pieds à la tête !
Étape 1: chemise et pourpoint
Une chemise de lin tenait lieu de sous-vêtement. Sa finesse et sa blancheur étaient signes de distinction sociale, de même que l’ornementation apportée à l’encolure. Carrée et plus ou moins échancrée vers les épaules, celle-ci dégageait la base du cou. Une large échancrure de forme « bateau » était très appréciée à la cour au début du règne de François Ier. Le jeune roi, peint par Jean Clouet vers 1515-1520, se fit représenter avec ce type de chemise à l’encolure finement plissée et froncée. Le col pouvait aussi être discrètement orné de broderie blanche ou or. La broderie noire semble apparaître un peu plus tard, dans les années 1520. Une chemise à col haut, montant légèrement sur le cou, était dite chemise à l’allemande.
La chemise était le seul vêtement lavable sans risque. De grandes buées de blanchisserie du linge avaient lieu une ou deux fois par an. Les comptes royaux mentionnent les gages de la « lavendiere de corps » personnelle du souverain, chargée de ce travail. Les gens très fortunés possédaient des chemises par douzaines afin de pouvoir en changer régulièrement.
La chemise restait bien visible à la lisière du col du pourpoint lui aussi rectangulaire mais plus échancré vers les épaules et la poitrine. En ce début de XVIe siècle, le pourpoint avait la particularité d’être sans ouverture sur l’avant (on le fermait sur le côté par des aiguillettes), ce qui rendait le buste lisse. L’ornementation du pourpoint dépendait de la couleur et des motifs des textiles utilisés. Dans le portrait de Lorenzo de Médicis commandé par le pape Léon X à Raphaël, le pourpoint jaune du jeune marié des fêtes de mai 1518 était fait d’un somptueux satin de soie broché à motif de grenade, très recherché dans les textiles de luxe de la Renaissance. Des taillades verticales ou en biais (voir Étape 2), au travers desquelles on faisait bouffer une étoffe de couleur contrastante, ou des bandes de tissus appliquées sur le corps du pourpoint étaient aussi très appréciées. Plus exceptionnellement, le pourpoint était brodé d’or ou d’argent. On retrouvait le même type d’ornement aux manches.
Étape 2 : chausses et braguette
Le bas du pourpoint était percé, à la taille, de nombreux œillets qui permettaient d’y attacher des chausses grâce aux aiguillettes, petits cordons dont le bout ferré, pour prévenir l’usure, pouvait être ouvragé à des fins ornementales. Le goût des taillades ou découpures, disposées sur les cuisses ou aux genoux (et sur les chaussures) s’était aussi emparé de cette partie de l’habit. Ces techniques devaient leur origine à la nécessité de fendre les étoffe, ou le cuir, à certains endroits et principalement aux articulations, alors que les matériaux étaient peu élastiques et que la mode devenait très ajustée au corps depuis le XIVe siècle. Les mercenaires suisses et les lansquenets germaniques, qui avaient adopté ces techniques à la fin du XVe siècle, contribuèrent à la diffusion de cette mode.
Les chausses étaient fabriquées par un artisan spécialisé, le chaussetier. La formule classique était une paire de longues chausses enrobant la jambe des orteils à la taille, cousues dans un drap de laine fin, et doublées. Elles étaient plus ou moins généreusement deschicquettees (tailladées) aux cuisses et/ou genoux ce qui laissait apercevoir la doublure. Une jarretière pouvait être nouée sous le genou à des fins décoratives. Un système plus « moderne » de la formule d’un haut de chausses, encore en tonnelet (moulant les cuisses), combiné à une paire de (bas de) chausses, a pu exister au tournant des années 1520. Les chausses pouvaient être bi-parties, c’est-à-dire de deux couleurs, telles celles arborées par François Ier lors d’un pèlerinage à Chambéry, au printemps 1516 : la jambe droite était noire, alors que la gauche était à moitié noire et l’autre moitié blanche et tannée.
Les chausses étaient munies d’une braguette, « la forme d’icelle comme d’un arc-boutant », commentait Rabelais (Gargantua, 1534). Elle était plus ou moins proéminente selon la bragardise ou exhibition de virilité, de force, de puissance que souhaite afficher son porteur. Rendue nécessaire par le raccourcissement du vêtement masculin depuis le XIVe siècle, elle devint de plus en plus ostentatoire pendant le premier quart du XVIe siècle, notamment chez les lansquenets germaniques. Les gentilshommes, qui étaient aussi des guerriers, l’arboraient eux aussi. On pouvait la deviner à travers l’ouverture des basques de leur sayon.
Les chaussures du gentilhomme étaient semblables dans leurs matériaux à celles des dames, sans distinction entre pied gauche et pied droit. Si celles des dames étaient à peine perceptibles sous leurs longs habits, celles des hommes avaient la particularité d’être visibles, et même… très voyantes. En effet, la mode étaient pendant une bonne partie de la première moitié du XVIe siècle, à la vogue de très larges souliers au niveau des orteils, appelés chaussures à pas d’ours, largement décolletés sur le coup de pied, tenues par une bride. Pour plus de souplesse, les extrémités pouvaient être tailladées, joignant confort et agrément.
Etape 3 : le sayon, le manteau ou la robe
Au dessus du pourpoint, le gentilhomme enfilait un sayon, vêtement plus long dont les basques descendaient jusqu’aux genoux. Le corps du sayon se fermait sur l’avant ou sur le côté, dans le cas d’une encolure « bateau ». Il pouvait aussi être échancré jusqu’à la taille à l’avant du buste. Lorenzo de Médicis, peint par Raphaël en 1518, porte ce type de sayon aux tissu et couleurs assortis à ceux du pourpoint. On aperçoit la ceinture de celui-ci dont les basques, en forme de jupette plissée, sont blanches et or. Une ceinture de soie grise orne la taille, ceinte d’une épée ou d’une dague dont le pommeau se laisse entrevoir sous le manteau. Finement travaillée au pommeau, à la poignée, à la garde voire sur la lame, l’épée d’apparat n’en restait pas moins une véritable arme. Une lourde chaîne d’or pouvait agrémenter le buste pour les cérémonies. Le gentilhomme n’avait rien à envier aux dames en terme de parure et de luxe.
Sur le sayon et le pourpoint, le gentilhomme revêtait un manteau encore assez long, vers 1518-1520, puisqu’il descendait jusqu’aux genoux ou mollets. Les manches étaient volumineuses : larges et pendantes, parfois fendues verticalement ou horizontalement afin d’y faire passer les manches de l’avant-bras du sayon ou du pourpoint. Une nouvelle mode, celle de grosses manches ballons au niveau des biceps, semble apparaître à ce moment-là. Associé à un large col rabattu sur le dos, le manteau donnait au corps masculin une « carrure d’athlète » recherchée. Les parements de fourrure avaient une fonction calorimétrique. Visibles au col et à l’ouverture du manteau, ils conjuguaient la fonction ostentatoire des fourrures précieuses à la fonction ornementale. Une dogaline ou chamarre, pouvait remplacer le manteau classique. C’était une sorte de cape, longue jusqu’aux genoux, dont les pans latéraux étaient remontés sur les bras jusqu’aux épaules. C’est ce type de manteau que porte François Ier dans son portrait le plus célèbre, peint par Jean Clouet vers 1525-1530 (Paris, Louvre).
Néanmoins, lors des fêtes et cérémonies, le gentilhomme arborait plutôt une robe, de toile d’or ou d’argent, qui donnait à la cour toute sa brillance. Ainsi, le 25 avril 1518 à Amboise, les courtisans gorgias et magnifiques qui escortèrent le Dauphin jusqu’aux fonds baptismaux étaient tous vêtus de robes de draps d’or. Si l’iconographie se dispense de représenter le roi et les courtisans vêtus de robes, les achats pour la garde-robe royale et les inventaires de demeures confirment l’importance de la robe dans le vestiaires masculin, tout au long du XVIe siècle. La robe était ouverte sur l’avant et le métrage de tissu était aussi important que celui employé pour une robe féminine. Elle pouvait être ornementée de fourrure, passements et broderies, comme l’était le manteau.
Etape 4 : le bonnet à bords relevés, barbe et chevelure
Le couvre-chef masculin à la française était un bonnet à bords relevés (rebras), noir le plus souvent, dont les bords pouvaient être taillés en créneaux. Un ruban pouvait aider à maintenir les rebras relevés et passait sans doute sous le menton lorsqu’on les rabattait sur les oreilles. Une large enseigne d’or ou d’argent, à sujet religieux ou parfois antiquisant, ornait le front du bonnet. Quelques fers d’or et une plume pouvaient agrémenter le tout.
La mode du bonnet de Milan semble apparaître au tournant des années 1510-1520. On portait alors, sous un large béret, une calotte d’étoffe ou une résille qui enserrait la chevelure.
En effet, les cheveux se portaient encore mi-longs, coupés en carrés sous les oreilles avec frange sur le front, ou encore coiffés « à la Stone » comme sur le portrait du jeune roi ou celui de Juste de Tournon par Jean Clouet vers 1515 . Barbus et glabres devaient se côtoyer à la cour. Les années 1518-20 furent certainement des années de transition vers le port de la barbe. Des dessins de Clouet montrent des hommes glabres ou barbus. Ce sont les Italiens qui lancèrent cette mode dans les cours lors des guerres d’Italie. Lorenzo de Medici, peint par Raphaël porte une barbe fournie. Dans une Italie meurtrie par la guerre, par la présence étrangère, et qui s’interrogeait sur la perte de ses valeurs militaires, la barbe fut une réponse et une adaptation de la masculinité. Elle devint l’ornement de la virilité, d’une masculinisation de l’apparence du courtisan, soldat cultivé qui fréquentait les dames.
Le portrait de François Ier par Clouet vers 1515 le représente avec une barbe naissante, mais les auteurs invoquent plusieurs origines plus ou moins légendaires à cette pilosité royale : une blessure reçue à la tête à l’Épiphanie 1521 ou le vœu fait, conjointement avec Henry VIII d’Angleterre en août 1519, de ne plus se raser avant de se rencontrer.
Isabelle Paresys, université de Lille 3