Quels types de vêtements portaient les dames vêtues « à la française » à la cour de François Ier, lors des fêtes, telle celle donnée à Amboise les 14 et 15 mai 1518 ?
Habillons les des pieds à la tête !
Étape 1 : les dessous
Les dames enfilaient une paire de chausses aux jambes. Elles « passoient lesdictes chausses le genoul au dessus par troys doigtz justement, et ceste liziere estoit de quelques belles broderies et descoupueures. Les jartieres (…) comprenoient le genoul au dessus et dessoubz » (Rabelais, Gargantua, 1534). Simples rubans ou brodées, des jarretières faisaient tenir les chausses aux genoux autour desquels elles étaient enlacées, le lien passant dessous et dessus la rotule pour plus de tenue. Les chausses étaient taillées en biais dans de la toile de laine ou du drap de lin, selon la saison, voire tricotées à la main. Elles tenaient plus des grandes chaussettes que des bas du XXIe siècle. Aux pieds, les femmes enfilaient le même type de souliers que les hommes.
Les chausses et la chemise étaient les seuls sous-vêtements. La finesse et la blancheur de la chemise de lin étaient signes de distinction sociale. Son encolure était carrée ou légèrement trapézoïdale. Elle se laissait apercevoir à la lisère du décolleté des cottes et robes, selon l’effet recherché. Des effets ornementaux (plis, fins traits de broderie noire ou or) pouvaient apparaître en bordure de col ou de manches. Pas de culotte sous la chemise jusqu’au XIXe siècle. La masse volumineuse des vêtements couvrant le bas du corps devait rendre cet accessoire bien peu pratique pour faire ses commodités.
La chemise était le seul vêtement lavable sans risque. De grandes buées de blanchisserie du linge avaient lieu une ou deux fois par an. C’est pourquoi les gens très fortunées possédaient des chemises par douzaines afin de pouvoir en changer régulièrement.
Étape 2 : la cotte
Pas de corset ni de soutien-gorge. Par dessus la chemise, les dames enfilaient un jupon et/ou une première robe, la cotte qui se laçait devant, derrière ou sur le côté du buste, système très pratique qui permettait de s’adapter aux variations de volume du corps, notamment lors des grossesses. La mode étant à un buste bien ajuté par le vêtement, le corps (bustier) de cotte pouvait être étayé par des baleines végétales ou animales
afin de lisser les chairs et de soutenir les seins.
La cotte était confectionnée en tissu précieux car on pouvait l’apercevoir à la lisière du décolleté de la robe ainsi qu’à l’ouverture de celle-ci, à l’avant de la jupe, ou encore lorsque la dame relevait sa longue robe pour marcher plus aisément.
Si le décolleté de la cotte, comme celui de la robe de dessus, découvrait assez largement le haut de la poitrine, il n’avait pas pour but de dévoiler trop de chair. Au début du règne de François Ier, le décolleté des robes à la française était beaucoup moins plongeant que celui des italiennes qui, à vrai dire, servait à mieux mettre en valeur les magnifiques chemises brodées couvrant leurs gorges . Dans le décolleté à la française, le creux des seins reste couvert par la ligne souvent légèrement incurvée du décolleté de la cotte ou de la robe, ou encore de la chemise.
Le décolleté était agrémenté d’un pendentif ou d’une médaille pieuse, parfois glissée au creux des seins, et, pour les plus fortunées, d’un magnifique carcan, large collier d’or. La chemise ou un gorgias (guimpe) voilait une partie du décolleté. Il est vrai que ce dernier pouvait être transparent… car le système vestimentaire de la Renaissance jouait beaucoup sur l’apparition des dessous à la lisière, ou au travers, du vêtement de dessus.
Etape 3 : la robe à la française
L’une des principales caractéristiques de l’habit à la française, en ce premier tiers du XVIe siècle, était le port d’une robe à queue et à grandes manches. La robe à queue se distinguait de la robe « ronde », sans traîne donc, de la mode italienne. Le vertugadin à cerceaux, qui existait déjà alors en Espagne, n’était pas à la mode à la cour avant les années 1530.
En revanche la robe restait très volumineuse sur l’arrière (sa circonférence pouvait aller jusqu’à 5 m, d’après des reconstitutions) et assez pesante selon les matériaux employés (la robe était fourrée l’hiver). Cette structure conférait une démarche majestueuse. Néanmoins, pour faciliter la déambulation, ou pour dévoiler la doublure de la robe ou la cotte, on pouvait relever la queue et l’accrocher à un crochet « troussoir », exceptionnellement visible sur les illustrations, mais mentionné dans les inventaires après décès.
La jupe pouvait s’ouvrir à l’avant sur celle de la cotte, afin d’en montrer la couleur ou/et l’ornementation. Une longue ceinture de soie ou d’orfèvrerie pendait à l’avant. Une pomme d’ambre, boule ronde contenant des parfums secs, pouvait en garnir l’extrémité.
Les larges manches en entonnoir de la robe étaient relevées sur l’avant-bras, voire jusqu’aux épaules afin de rendre visible la somptuosité de leur revers (fourrures en hiver) et de dévoiler les mancherons, sous-manches amovibles, attachées par des liens à la cotte ou aux grandes manches. De longues taillades pouvaient laisser passer le tissu de la chemise à travers le mancheron. La couleur du mancheron tranchait avec celle de la robe et ce dernier pouvait être ornementé de diverses manières.
Avec leur profond décolleté et leurs grosses manches rondes, les modes italiennes se démarquaient nettement de la silhouette à la mode arborée à la cour de France.
Étape 4 : le couvre-chef à la française
Enfin, un dernier élément définissait le style « à la française » : un couvre-chef « à templettes et à queue pendante ». En 1518-1520, les côtés latéraux de la têtière (partie qui entoure le visage) descendaient en arceau jusqu’au dessous des oreilles, à hauteur du menton. La têtière de ce chaperon était en réalité une superposition de petits bonnets de linge, blancs et rouges le plus souvent, dont un finement plissé. L’un d’eux était vraisemblablement structuré par une armature en arcade. Ce couvre-chef était ornementé de galons, passements ou petits bijoux dorés.
Une longue queue de soie noire, ou cornette, tombant jusqu’aux omoplates était ajoutée à cette structure. Cette superposition tenait certainement, comme d’autres parties du vêtement (bustier, revers de manches) grâce à des épingles, non visibles sur les portraits, mais abondantes dans les comptabilités royales, par exemple. On peut penser qu’un lien passant sous le menton, exceptionnellement représenté lui aussi dans l’iconographie, pouvait aider à tenir la coiffe.
Isabelle Paresys, université de Lille 3