ENSUYT L’ORDRE EXQUIS, TRIOMPHANT ET ADMIRABLE TENU AU
SAINCT ET SACRÉ BAPTESME DU TRÈS-DESIRÉ ET APPELLE MONSIEUR
LE DAUPHIN DE FRANCE, LEQUEL FUST FAIT ET CELEBRE A
AMBOYSE A SAINCT-FLEURENTIN. LE XXVE JOUR DE APVRIL A
NEUF HEURES DE SOIR.
TOUT PREMIÈREMENT marchoient en belle ordre bien dispose et mise entrain grant nombre et copieuse multitude de trompes, haultboys, saquebutes et aultres instruments armonieux et mélodieux qui faisoient retentir l’air, donnant tesmonnage de la joyeuse et désirée nativité dudit dauphin de France, qui estoit plaisant et récréatif a ouir.. Après les .dessusditz marchoient les heraulx triumphantement acoustrés de leurs costes d’armes en belle et louable ordonnance, et prenait bon plaisir a les veoir.
Subsequentement en train sumptueuls magnifique suyvoient les maistres d’hôtel du roy notre sire, portans a une main chascun ung baston blanc, tel qu’il appartient et compecte a leur office, et a l’autre main ung gros cierge de cire blanche.
Item marchoient après les cent gentilzhommes du roy, les pensionnaires et officiers de la maison, comme le grant escuyer, les essansons qui tous estaient pompeux et tryumphans, vestus de la couleur du roy. Après ceulx-la venoient en ordre décente et acoustrement riche et sumptueulx les gentilzhommes de la chambre, les chambrelans, les capitaines du roy, les plus joyeulx et mieulx acoustrés que on vist onc. Et sembloit bien qu’ils avoyent bon vouloir de se monstrer gorgias et magnifiques a ce joyeulx et désiré advenement, et avec eulx marchoit grant nombre de gentilzhommes honnestement ornés. En après marchoient en ordonnance convenable, en train prémédité, les chevaliers de l’ordre, tous triumphans, pompeux, gorgias de vestemens précieux et autres acoustremens iches, sumptueulx et exquis. C’est assavoir messire de
Boscaye, grant mestre, monsieur de Montmorency, le grant Seneschal, gaillard’ et tout joyeulx et de bonne gayté, son beau-père Saint-Vallier, le bastard de Savoy, le viconte deMartigues, d’Esparos, de Guise, de Chasteaubriant et de Laval. La plus grant part de iceulx portoient robes de drap d’or, et en leur main ung gros cierge de cyre blanche.
Après venoit monsieur le prince de la Roche-sur-Yon, portant le premier oreillier qui estait de drap d’or riche et précieux, sur lequel estait une serviete exquise et damassée.
Après marchoit monsieur le conte de Saint-Paul, gorgyas et triumphant, qui portoit les bassins. Item marchoit après en ordre et en train monsieur le conte de Genefve, qui portoit l’esguière. Item après marchoit monsieur de Vendosme, qui portoit le second orillier et dessus le cresmeau. Item après marchoit monsieur le connestable, qui
portoit le sierge et le chandelier. En après faisoit beau veoir marcher en ordre raisonnable et en acoustrement riche et sumptueulx monsieur d’Alençon, lequel portoit le sel pour baptiser mondit sieur le daulphin. Après marchoit en grant pompe et grant joyeuseté monsieur le duc d’Urbin, portant monsieur le daulphin, qui estait ugne chose moult délectable et fort plaisante a veoir. Après marchoit monsieur le duc d’Albanie qui portoit les piedz de mondit sieur le daulphin. Après marchoient messieurs de Guize, de Lorraine. Le marquis de Manthoue le jeune, tenoit la queue du poisle et drap duquel estait couvert mondit sieur le daulphin, qui estait de taille d’argent fourrée de retices. Tous les dessusditz portans robes de drap d’or etaultres acoustremens precieulx. Après marchoit monsieur de Buscam qui portoit le reposeur
couvert de drap d’or. Au costé d’eulx estaient en estât sumptueulx, richement acoustrés, les ambassadeurs du pape, du roy catholicque et de Venise.
Après eulx venoit en belle contenance Madame, laquelle le roy de Navarre menoit
Après monsieur d’Orval, menoit madame Loyse. Après monsieur de la Trimouille, madame Charlote. Après venoit monsieur de Lorraine, lequel menoit mesdames Régnée et duchesse d’Allençon la jeune. Et après eulx venoit madame la duchesse d’Alençon l’aisnée. Après madame de Taillebourg et la duchesse de Nemours, la duchesse d’Urbin, madame de Cbasteaubryant, madame de Martigny. Et après elles grande quantité de dames et damoyselles. lit furent en ceste ordre depuis la chambre de mondit sieur le daulphin jusques a l’esgLise de Saint-Florentin, la ou ilz trouvèrent messieurs les cardinaulx de Boysi, de Bourges, de Bourbon, et quinze ou sayze evesqùes. Et la fust baptisé par monsieur le cardinal de Boysi, et eult nom Françoys. Les compères furent lesdictz duc d’Urbin et de Lorraine, pour et en nom du pape. La commère fust la duchesse d’Alençon la jeusne.
Et pour tout qu’il seroit trop long et enneuieux d’escripre et racompter le nombre et grande multitude des torches que tenoient et portaient les gentilzhommes de la maison du roy, pareillement les pompes magnifiques, les acoustremens riches, precieulx et sumptueulx qui estaient tant a la chambre de mondit sieur le dauphin que en l’église dessusdicte, j’ay mis fin a mon lourt, gros et rude langage. Car bien difficille seroit rédiger par escript tout ce qui fust faict audit baptesme de mondit sieur le daulphin de France. Auquel Dieu doint santé bonne, joyeuse prospérité. Car je croy que la saincte Trinité nous l’a transmis et envoyé pour le salut, prouffit, joye et utiïlité du pays et royaulme de France. Oultre je pry a mesditz seigneurs que se j’ay dit quelque chose mal dirigée et loingtaine de vérité, qu’ilz attribuent la faulte autemps lequel estait nocturne et assés obscur. En telle sorte que ne puis pas bonnement veoir ne comprendre tout ce qui y estait et fust faict audit baptesme, combien que selon mon petit esperit j’aye ceully et réduit au plus près de la vérité que j’ay peu, les pompes, solennités et acoustremens qui furent faictz ce jour prédit.
BALLADE SUR LA NATIVITÉ DU DAULPHIN.
Resjouys toi, France la bien eureuse,
Cesse ton deuil, ne crie plus helas,
Car tu seras en tous biens plantureuse.
Ton deuil en joye et tes pleurs en soûlas
Sont convertis, puisque le lis françoys
Sy a produit ung fleuron pour Françoys
Remettre en paix et en sécurité
Et maintenir en leur auctoriLé
Sans les submettre a tribut ne souffrance,
Veu que des cieulx la saincte Trinité
Nous a transmis ung beau dauphin en France.
Secte dampuée, infeicte et dangereuse,
Qui nous cuides allier en tes las,
Retire toy : ta force vigoureuse
Est rué jus. Le peuple n’est plus las,
Et ne craint on soit en chans ou en boys
Des Turcz maudits ne des chiens les aboys,
Car les astres en la nativité
De cest enfant ont le monde invité
Et provoqué en joye et en plaisance,
Veu que des cieulx la saincte Trinité
Nous a transmis ung beau dauphin en France.
Religion de la paix amoureuse,
Resjouy toy, hérésie est au bas
Arnichillée et du tout ténébreuse,
Qui n’osera plus mouvoir les debatz
Contre scavoir, lequel en tous endroitz
Fera florir et ses loys et ses droitz,
Acompaîgné de saincte vérité
Que conduira madame charité,
Soubz l’ecusson de foy et d’espérance,
Veu que des cieulx la saincte Trinité
Nous a transmis ung beau dauphin en France.
Ballade à la louange de la Reine
Tige d’honneur, royalle geniture,
Plus que Sarra ou Rebequa féconde,
Tu as porté en ta caste closture
Le beau fleuron, second Hector au monde,
De quoy le Ciel et nature angelique
Se resjouyt, car la foy catholicque
Pullulera sur terre et sur la mer,
Et verra l’on mescreans abysmer,
Croistre sçavoir, pourvoir gens de science,
Selon le droit et juste conscience,
Doit prendre fin fraude, barot, finesse,
Car nous avons, par la bonté immense,
Ugne féconde et fertille princesse.
O ventre eureulx, ô louable nature,
O sage Hester remplye de faconde,
Belle Judich, parfaicte créature,
Dont tant de bien et de joye redonde,
Par toy sera toute gent pacifique,
Et le sceptre de France magnifique,
Godons seront mis en obédience,
Qui ne oseront nous faire violence,
Mais cherseronta maintenir promesse ;
Car nous avons, par la bonté immense,
Ugne féconde et fertille princesse.
Le saint Esperit qui si bien nous
Le saint Esperit qui si bien nous procure
A bien voulu, par sa bonté profonde,
De ton enfant et de toy prendre cure,
Affin que en temps il debelle et confonde procure
Comme David Golyas très inique,
J’entens le Turc, fier dragon basilique,
Qui est dolent de ta bonne semence,
Et de ce jour precogite et commence
Se retirer, sans plus nous faire oppresse ;
Car nous avons, par la bonté immense,
Ugne fertille et féconde princesse.
Prince Jésus, par ta digne clémence,
Tu nous donnes de tes trésors largesse;
Car nous avons, par la bonté immense,
Ugne fertille et féconde princesse.
APLAUSION SUR LA NATIVITÉ DU DAUPHIN TOUCHANT
LA BONNE ESPÉRANCE QUE FRANCE A DE LUY.
Vecy l’enfant lequel est né
Pour florir en France et régner ;
Vecy l’enfant de Dieu donné
Pour sur ennemis dominer ;
Vecy l’enfant pour dilater
Le sceptre françoys jusque a Romme ;
Vecy l’enfant pour exalter
Les Françoys, sy vit aage d’homme.
Vecy l’enfant qui florira
En armes par faitz vertueux ;
Vecy l’enfant qui régnera
Malgré les Turcz impetueulx ;
Vecy l’enfant très sumptueulx
Qui metra François en vigueur ;
Vecy le fleuron fructueux
Qui metra bas guerre et rigueur.
Cy fynist l’ordre qui a esté tenue au baptesme de monsieur
le daulphin de France, avec deulx ballades, l’ugne de la
royne, et l’aultre de mondit sieur le daulphin.
Et les vent on a la rue de la Seille, cheulx Jehan Du Moulinu