Le désir d’Italie n’en perdure pas moins chez les rois de France et Louis XII, qui succède à Charles VIII en 1498 considère qu’il peut se prévaloir non seulement de l’héritage angevin mais encore, de l’héritage des Orléans sur le Milanais (sa grand mère paternelle était une Visconti). Après avoir signé la paix avec l’empereur Maximilien, il passe à son tour les monts en 1499 en ayant pris la précaution de s’allier à Venise et au Pape Borgia. Ludovic le More est vaincu par l’armée française conduite par le Maréchal Gian Giacomo Trivulzio[1]. Les Français occupent alors le Milanais mais poursuivent en même temps leur descente vers Naples. Là, les Aragonais s’opposent à eux.
En 1500, Ludovic le More lève une troupe de mercenaires suisses pour essayer de reprendre son duché et force Trivulzio à laisser Milan. Louis XII rassemble une nouvelle armée de 30 000 hommes, dont des mercenaires suisses ( !), conduite par Louis de la Trémoille. A Novare, les Suisses de Sforza font alors défection, ne souhaitant pas combattre leurs compatriotes, et ils livrent le Prince Italien qui achève sa vie en captivité en France au donjon de Loches. Un traité signé la même année, partage le royaume de Naples entre la France et l’Espagne mais les Napolitains refusent de l’honorer.
De 1501 à 1508, Louis XII et son général Stuart d’Aubigny mènent campagne contre le royaume de Naples. Ils ont pour alliés un jeune condottiere, fils du Pape Alexandre VI, Cesare Borgia. Leurs soldats ravagent la ville de Capoue et Naples se rend sans combattre. Ferdinand d’Aragon, lui, occupe la Calabre. En 1502, toutefois, les Espagnols remettent en cause le statu quo et la guerre reprend dans les Pouilles jusqu’en 1507. Français et Espagnols s’affrontent avec à leurs têtes les deux grandes figures du chevalier Bayard et du Gran Capitan, Gonzalve de Cordoue.
Dans le même temps (1502-1503), César Borgia tente de se tailler une principauté à la mesure de son ambition entre Florence, l’Ombrie, les Marches et la Romagne. Léonard de Vinci est alors son ingénieur en chef. La mort par empoisonnement d’Alexandre VI met fin à l’épique aventure de son fils. Jules II devenu Pape le met en prison puis forge avec la France et l’Empire la ligue de Cambrai destinée à lui permettre de s’emparer de terres vénitiennes en Romagne. Louis XII se rend compte du pouvoir acquis par le Pape mais en 1507, Gênes soutenue par l’Empereur Maximilien, se révolte contre l’occupation française. Le Roi de France conduit son armée sous les murs de la cité Ligure et réprime la rébellion.
En avril 1509, l’armée française quitte Milan pour envahir les États de Venise, la rencontre se fait à Agnadel, sur la frontière de l’Ada. Les Français triomphent. Le succès des armes des Français terrifie les anciens alliés. Les citoyens de « la terre ferme » se rebellent pourtant contre les envahisseurs et Venise profite de ce répit pour renverser les alliances et proposer un nouveau pacte à Jules II. De 1510 à 1511, l’armée de la Sérénissime rejoint donc les troupes du pape et guerroie contre les Français. Bientôt, une Sainte Ligue II se constitue regroupant les forces du Saint Siège, les Espagnols, les Vénitiens, les cantons Suisses et même le Roi d’Angleterre. Le Vice Roi de Naples, Ramon de Cardona, prend la tête de l’armée coalisée qui fait route vers Bologne en janvier 1512. Gaston de Foix, neveu de Louis XII, fort de son armée de 23 000 hommes et de son artillerie puissante, lance la contre attaque française et libère Bologne de ses assaillants puis repousse les Vénitiens de Brescia. Le jeune général mène alors une guerre de mouvement afin d’amener les hispano-pontificaux à l’affronter en rase campagne. Ces derniers, évitent néanmoins le combat jusqu’à ce que soit menacée une ville, Ravenne, que les Espagnols ne peuvent se permettre de perdre car la circulation du commerce Adriatique en dépend. Le 11 avril, avant que les Français ne fassent brèche dans les murs de la ville, l’armée de Cardona commence à renforcer ses positions non loin de là par des tranchées le long du fleuve Ronco et à attendre l’ennemi de pied ferme dans une zone mal commode entourée de marais et de fossés en eau.
La bataille qui s’ensuit commence par une canonnade des Français sur le camp italo-espagnol puis par un affrontement meurtrier des blocs d’infanterie. D’un point de vue tactique, plusieurs leçons peuvent être tirées de la bataille. Tout d’abord, il faut saluer l’efficacité des mesures de Pedro Navarro contre les piquiers : fortifications de terre et arquebuses, chars à faux et unités armées de rondaches et d’épées ont brisé pratiquement toutes les offensives d’infanterie. L’artillerie de campagne démontre par ailleurs à Agnadel son efficacité : la longue canonnade française contre le flanc droit faible de Colonna a bel et bien forcé la cavalerie espagnole à quitter l’avantage de sa position défensive. Dernière leçon à retenir, la cavalerie lourde, loin d’être obsolète tire un avantage considérable de sa capacité à lier la mobilité et la résistance du blindage des armures. En somme, la victoire française de Ravenne est celle des armes combinées. La bataille fut néanmoins extrêmement sanglante. Les pertes hispano-italiennes s’élevèrent à près de 10 000 hommes, les françaises à 4000 hommes. 11 des 12 colonels d’infanterie espagnols et un tiers des capitaines tombèrent au combat. Les Français, eux aussi, perdirent de nombreux officiers parmi lesquels Gaston de Foix, Yves d’Alègre ainsi que les trois capitaines des lansquenets. Les retombées immédiates de la bataille de Ravenne (1512) ne furent pas à la hauteur des espérances de Louis XII car la mort de Gaston de Foix le priva du chef charismatique dont il aurait eu besoin pour s’emparer de Rome. De plus, Charles Quint rappela ses lansquenets et seule une Légion Noire de 800 hommes resta sous la bannière du Lys, dès lors, la Ligue qui engagea 18 000 Suisses, se trouva en position de force. En 1513, lors de la bataille de Novare, les Suisses prennent leurs ennemis par surprise en attaquant dès le matin avec seulement 9000 piquiers le camp et l’artillerie française. Les vainqueurs poursuivent même l’armée française en déroute de Louis de La Trémouille jusqu’à Dijon et la couronne de France se voit obligée de payer une rançon. La ligue chasse ensuite facilement les envahisseurs français de Lombardie, replaçant les Sforza au pouvoir[2].
[1] Pascal Brioist, Léonard, homme de guerre, Alma, Paris, 2013.
[2] Bangerter, Olivier. Novare (1513), dernière victoire des fantassins suisses, Economica, 2011 et Sir Charles Oman, A History of the Art of War in the Sixteenth Century, Methuen and Co Ltd, London, 1937.
Sources :
Pascal Brioist, Professeur des Universités et membre du CESR