En mai 1518, Léonard organisa un simulacre de guerre avec la prise d’un château afin de célébrer la victoire de Marignan.  De la fête du 14 et du 15 mai 1518 témoigne  l’ambassadeur de Mantoue, Stazio Gadio :

Imaginez une grande place et d’un côté une fortification haute comme un homme à cheval avec des créneaux et des murs couverts de toile peints à la similitude de murailles. Entre les deux tours il y avait un terrassement de la hauteur d’un homme couvert d’une palissade de deux brasses en bois. Devant cela se trouvait un fossé large de cinq brasses distant du terrassement de l’espace des projections des tours. Surplombant le fossé il y avait une muraille continue d’une tourelle à l’autre, faite de toile peinte attachée sur des poutres en bois que l’on pouvait facilement ruiner.  Les tours étaient pareillement ornées de la toile peinte et portaient des oriflammes claquant au vent, noirs au centre, jaunes et blancs. Sur les créneaux et les défenses étaient postées de nombreuses arquebuses ; sur le terrassement on apercevait des mortiers de bois cerclés de fer, qui tiraient avec de la poudre avec émission de feu, avec grand bruit, des ballons gonflés d’air, lesquels, tombant sur la place, faisaient s’écrouler sans férir les faux remparts au plus grand plaisir  de tous : spectacle nouveau et conduit de façon ingénieuse. Il y avait également dans la place trois fauconneaux  de métal qui tiraient des chiffons et du papier, comme il est de coutume, pour faire feu sans blesser quiconque. De chaque côté de la place, près du châtelet, sur les murailles, se trouvaient près de 25 arquebuses, pour chaque bande, pour la défense du châtelet […] Les gens qui défendaient la place étaient 12 hommes d’armes vêtus de leurs harnois, avec leurs chevaux et leurs lances, portant côte d’arme de velours jaune appuyés par  30 chevau-légers, vêtus de blanc comme les stradiots, qui avaient pour chef Bocale, écuyer du Roi, à la casaque de toile dorée, ainsi que 100 fantassins bien armés de piques et d’escopettes, sous les ordres du capitaine Lorges dont la bannière était noire et blanche.  De l’autre côté de la place se trouvait le Roi magnanime, portant l’armet de guerre, coiffé d’un grand panache, entouré des hommes d’armes de toute sa bande, qui chevauchaient avec la lance sur la cuisse ; et à main gauche se trouvait un grand bataillon d’infanterie dans lequel se trouvaient les Suisses et les archers de la garde armés de hallebardes et de piques ainsi que de quelques escopettes
 […][1].

Bataille de Marignan, enluminure attribuée au Maître à la Ratière

Bataille de Marignan, enluminure attribuée au Maître à la Ratière

L’assaut, sous les yeux de Claude de France et Madeleine de la Tour d’Auvergne, fut rude comme il se doit, mais on ne fit que mettre en scène la mort de certains assiégés. Puis après diverses escarmouches apparut l’artillerie royale dont le parc rassemblait 36 pièces lourdes : canons, couleuvrines et demi-couleuvrines.  D’une colline, elle concentra son feu sur le châtelet qui, sous l’impact des ballons remplis d’air s’écroula comme de juste! Le spectacle continua le lendemain avec ses péripéties, parlementassions,  arrivées de secours, combats, pousse des piques,  entrée du Roi dans la Place etc.  Aux dires de tous, y compris du vénitien Marino Sanuto ou de l’ambassadeur des Este, le spectacle fut une réussite totale et chacun quitta Amboise ragaillardi, prêt à tirer l’épée pour la gloire de ce souverain merveilleux qui avait vaincu les Suisses à Marignan et démontré sa bravoure[2].

C’est ce spectacle ayant réuni des milliers de figurants que nous allons reproduire (à une échelle moins « royale ») dans le Parc Léonard de Vinci du Clos Lucé, à Amboise  et dans le parc de Beauvais à Romorantin à l’été 2015.
Evoquer la célébration et non la bataille elle même permet d’envisager relativement un travail modeste mais totalement spectaculaire : une mise en scène théatralisée avec des personnages-clé  tels François Ier et Léonard, Claude de France, et Madeleine de la Tour d’Auvergne, Giulio Tedesco le mécanicien du maître, des centaines de figurants (lansquenets, suisses, artilleurs), un campement Renaissance avec sa forge et sa cambuse, un château factice de bois et de toile, des canons capables de lancer des balles de papier etc.

[1] Archivio Gonzaga, Esteri (Francia), XV, 3, 634, texte cité par Edmondo Solmi dans « Documenti inediti sulla dimora di Leonardo da Vinci in Francia nel 1517 e 1518 », in Scritti Vinciani. Le Fonti dei Manoscritti di Leonardo da Vinci e altri studi, La Nuova Italia editrice, Firenze, 1976, p.621-623.

[2] Cf. Archivio Estense di Modena, Resid Esteri (Francia) et  Marino Sanuto, Diarii, XXV, p.408, 411, 431.