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FLEURANGE

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[p. 222] En ce temps, le Roy estant à Amboise avecque la Royne et madame sa mère, la dicte Royne accouscha d’ung beaulx filz, de quoy il fut merveilleussement joyeulx, car il n’avoit poinct encorre eu d’enfant; et incontinent despecha monseigneur de Saincte [Mesme], gentilhomme de sa chambre, pour aller par devers le Pape le prier d’estre son compère, et tousjours aussy pour luy donner à congnoistre et reconformer l’amour et l’ami-tié qu’il avoient ensamble.
Le seigneur de Saincte [Mesme] arrivez à Rome, desquelz on luy fit très grande chiere, et fut le Pape forte[p. 223]ment joyeulx des nouvelles que le Roy luy envoioit et du bon tour qu’i luy faisoit de le prier pour son compère ; et envoya en son lieu pour tenir le dict en-fant daulphin le duc d’Urbin, son nepveux, accompaigniez des ambassadeurs de Florence. Et avoit le dict ducque d’Urbin bien fort la grosse verolle, et des fresche, et failloit qu’il vint en poste, ce que à grande paine povoit faire. Vint arrivez à Amboise, là où tous les princes allèrent au devant de luy, et le Roy luy fit très joyeusse chiere; et avoit aussy an-noncer monseigneur le ducque de Lorraine pour estre son aultre compère, et madame de Bourbon sa commère.
Le baptesme fut faicte au plus grande triumphe qu’ilz fut possible, et comme en telle cas appartient, car sans les princes de France, y avoit beaulcoup de princes de dehors et de ambassadeurs; et estoit toutte la court d’Amboise tendues tout le dessus qu’ilz ne povoit plouveoir dedans, et le dessoubz et tous les cos[p. 224]tez ; et là fut faictes les bancqués qui furent merveil- leussement triumphant, et y fut ballez et danssés le possible. Entre aultres dames, il y avoit soixante douze, chascune par douzaine, chascune desguisée pour mieulx danser avoient les masques, des tambourins de mesmes.
Et trois jours après le dict baptesme, furent faictes les nopces du dict ducque d’Urbin à la plus jeune fille de Boulongne, qui estoit ungne très belle dame et joeune, car monseigneur le ducque d’Albanie avoit espousés l’aisnez; et quant elle espousa le ducque d’Urbin, elle espousa pas le ducque seulz, car elle espousa la grosse verolle avecque, quant et quant.
Ce propre jour, le Roy le fit chevallier de son ordre. Or estoit la mariez et tous les princes assis à table du Roy de France, et les estrangiers et tous les ambassadeurs, chascun selon son ordre, et la Royne avecque l’espousée et madame la mère du Roy estoient à l’aultre bout assises, et faisoient merveilleusement beau à veoir cela; car tous les mectz qu’on por-toit se portoient tous avecques les trompettes. Et après, fut dansée et ballées jusques à ungne heures après minuict, et aussy faisoit il sy cler que de plain jour, veu les torches et flambeau qui y estoient; et dura cedict festins jusques [p. 225]à deux heures après minuict, là où on mena couchier la mariée qui estoit trop plus belle que le mariez.
Et le lendemain se fièrent les joustes les plus belles qui furent oncques faictes en France. Et fut là huyt jours le combat dedans les lisses et dehors les lisses, et à piedt à la barrière, où à tous ces combatz estoit le dict ducque d’Urbin, nouveau mariez, qui faisoit le mieul qu’ilz povoit devant sa mye; et il y eult beaulcoup de gens endormie de coup de lances et beaucoup de blessiez, car le dict tournoy dura longuement. Et fut faict entre aultre choses ungne face de tournoy après ceulx [là], que je ne vis en que ce lieu, car le Roy fit faire une ville contrefaicte de boys et fossés, et tout en plain camp, assez grande; et avoit faict me-ner iiij grosses pièces d’artilleriez, quennons que double quennons, et tiroient à vouloir pardessus la dicte ville, comme si on eut vollu faire battrie; où estoit monseingeur d’Allen-çon avecque cent hommes d’armes à cheval, la lance sur la cuisse, dedans la dicte ville, et l’Adventu- reux avecque cent hommes d’armes à piedt et iiij c hommes de piedz bien ar-mez, dont estoient les Suisses de sa garde. Or, le Roy alloit au secours, faindant secourir la ville où estoit monseigneur d’Allençon, et le tenoient assiégiez monseigneur de Bourbon avecque cent hommes d’armes à cheval, et monseigneur de Vendosme avecque cent hommes d’armes à piedt et iiij c hommes de piedz, comme l’Adventureux les avoit. Et comme cela se faisoit, le Roy armez de touttes pièces, à piedt, se vint jetter avecque l’Ad-ventureux dedans la ville à la poincte. L’artillerie qui estoit dedans la ville estoit des grosse quennons faictes de boys chelez de fer, qui tiroit avecque de la pouldre, et les boul-lés qui estoient dedans [p. 226] estoient des grosses balles plaines de vent, aussy grosse que le cul d’ung tonneau, qui frappoient à travers de ceulx qui tenoient le sièges devant, et les ruoient par terres sans leur faire mal, fussent à cheval ou à piedt, et estoit fort chose plaisant à veoir et des bons qu’elz faissoit. Or, tous ces passe temps [l]à faict, monseigneur d’Allençon avecquez tous les gens d’armes à cheval saillent hors de la ville, le Roy et l’Ad-ventureux avecque tous les gens de piedt avecque luy, et trois grosses pièces d’artillerie commencèrent à tirer, comme au camp et battaille. De l’aultre costé, contre monseigneur d’Allençon vint monseigneur de Bourbon avecque cent hommes d’armes fort bien en ordre, et monseigneur de Vendosme avecque les gens de piedz, contre le Roy et l’Adventureux [et] donnèrent dedens tant de gens de cheval que de gens de piedz tout en ung coup : et fut le plus beaulx combat pour passe tamps qui fut oncques veu et le plus approchant du natu-rel de la guerre; mais le passe tamps ne pleut pas à tous, car il y eut beaulcoup de tuez et affolleez. Cela faict, on se départit, qui fut fort chose mal aysée à faire; et n’eust pas estes sy aysée si les chevaulx et gens n’eussent estes hors d’allaine, car tant que l’ai aine leur du-ra, il combattirent. Après les tournoys fais, qui durèrent ung moys ou six sepmaines, le Roy despecha monsei-gneur de Bourbon* pour soy retourner en Itallie et sa femme avecque luy; et les conduy-soit le ducque d’Albanye que le Roy envoya ambassadeurs de vers le Pape; …