Champier, Symphorien, La vie de Bayard, Denis Crouzet (éd.), Imprimerie Nationale Éditions, 1992, 291 p.

 

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Chapitre III : Comment le très chrestien roy Françoys de ce nom volust estre crée chevalier par les mains du noble capitaine Bayard

 

Audict campt de sainct don, près Milan, sejourna le roy aulcuns jours.

Sy voulust faire et creer les chevaliers qui luy avoient servy en ceste bataille; et pour ce qu’il appartient, par l’ordre de chevalerie, au seul chevalier creer et faire ung aultre chevalier, le roy, avant de créer les chevaliers, appella le noble chevalier Bayard, si lui dist : Bayard, mon amy, je veulx que aujourd’huy soye faict chevalier par voz mains, pour ce que le chevalier, qui a combatu à pied et à cheval en plusieurs batailles, entre tous aultres est tenu et reputé le plus digne chevalier. Or est ainsi de vous, qui avés vertueusement, en plusieurs royaulmes et provinces et en plusieurs batailles et conquestes, vertueusement combatu contre plusieurs nations, comme espaignolz au reaulme de Naples, en Italie, à Bresse, à Pandin, à Ravenne. Je delaisse la France, en laquelle on vous congnoist assez.

Aulx parolles du roy respond Bayard : Sire, celluy qu’est couronné, sacré et oing de l’yule envoyé du ciel, et est roy d’ung si noble reaulme, le premier filz de l’esglise, est chevalier sur tous aultres chevaliers.

Si dist le Roy : Bayard, despeschés vous, il ne fault icy alleguer ne loix, ny canons soient d’assier de cuyvre ou de fer ; faictes mon vouloir et commandement, si voulés estre du nombre de mes bons serviteurs et subjectz.

Certes, respond Bayard, sire, si ce n’est assez d’une foys, puys qu’il vous playt, je le feray sans nombre, pour acomplir, moy indigne, vostre vouloir et commandement.

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Alors print son espée Bayard, et dict : Sire, autant vaille que si estoit Roland ou Olivier, Godefroy ou Baudoin son frere. Certes, vous estes le premier prince que oncques fist chevalier. Dieu vueille que en guerre ne prenés la fuyte.

Et puys après, par maniere de jeu, si cria aultement, l’espée en la main dextre : tu es bien heureuse d’avoir au jourduy à ung si beau et puissant roy donné l’ordre de chevalerie. Certes, ma bonne espée, vous serés mult bien comme reliques gardée, et sur tout aultres honnorée, et ne vous porteray jamais, si ce n’est contre turcz, sarrazins ou mores. Et puys fist deux sault, et après remist au foureau son espée.

Au partir du camp sainct don, print le roy son chemin vers Pavye, là où il demeura bien quinze jours, jusques le seigneur Maximilian rendit le chasteau au roy. Alors s’en ala à Milan le roy, et demeura tout le gros de l’yver.

Et puys ss’en retourna en France et vint à lyon ; et là print congié monseigneur de Lorraine du roy, et nous retornasme en lorraine ; et despuys monseigneur de Lorraine a demeuré en son pays, crainct et aymé de tout son peuple. »