En 1514 à Amboise, un stupide accident domestique coûte la vie à Louis XII et la paix signée avec les Helvètes est remise en cause par l’arrivée sur le trône de l’impétueux François d’Angoulême. Celui qui prend le titre de François Ier est en effet par sa mère, Louise de Savoie, un descendant de Bonne de Savoie, et considère que les descendants de Ludovic le More sont illégitimes.
François a 20 ans et il est nourri d’exercices martiaux et de littérature chevaleresque. Son ambition est de paraître comme un nouvel Alexandre. Pour cela, à peine avoir été couronné à Reims et avoir fait sa royale entrée dans Paris, il multiplie les « montres » de ses compagnies d’ordonnance et prépare son train d’artillerie. Ses capitaines rassemblent partout en France mais notamment en Picardie, au Pays Basque et en Gascogne des unités d’infanterie et les font converger vers Lyon et Grenoble. Ils retrouvent là des compagnies de mercenaires allemands : des lansquenets. À Venise, après la conclusion d’une alliance, des compagnies de cavalerie sous les ordres de Bartolomeo d’Alviano, fourbissent également leurs armes.
En juin 1515, François et son armée empruntent la route de Vizille, Gap, Serre-Ponçon, et Mont Dauphin. Une partie de la cavalerie, sous les ordres de Connétable de Bourbon prend la route de Briançon puis emprunte le Col du Mont Cenis. Le gros de la troupe, lui, passe les Alpes au Col de Largentière réputé pourtant impraticable pour la cavalerie et l’artillerie. Les pionniers de l’ingénieur Pedro Navarro (qui est passé au service des Français après Ravenne quand ses maîtres espagnols ont refusé de payer sa rançon) font en effet merveille pour aplanir le terrain à coups de pioches et d’explosifs, malgré des passages de torrents particulièrement dangereux comme l’Ubayette et le Barricate. L’exploit est remarquable car l’armée qui arrive à Turin quelques jours plus tard est forte de 2500 gendarmes, de 72 canons de toutes tailles, de 6000 Gascons, de 4000 Français, de 9000 lansquenets (dont 6000 « Bandes Noires » aguerris) et de 6 compagnies de mercenaires italiens, près de 30 000 hommes en tout.
Le petit neveu et légat du Pape Martin V se trouvait alors à Pignerol et disposait d’une armée italo-suisse de près de 20 000 hommes et pouvait compter sur des renforts venus de Toscane et de Naples. Averti du passage des Alpes par les Français, il envoya une troupe de 1500 cavaliers et de 2500 fantassins commandée par le Napolitain Prospero Colonna en soutien des Suisses à Saluzzo, une ville qui commandait une des vallées-clé débouchant sur le Pô. Le 2 aôut, l’avant garde française de Jacques de Chabanne, Seigneur de la Palice, qui comptait dans ses rangs Bayard et Bérault Stuart, se mit à partir en chasse de Prospero Colonna. Elle pouvait compter sur l’appui des populations locales piémontaises qui supportaient mal le joug suisse et qui informèrent la Palice que Colonna s’était retranché dans la ville de Villafranca. Colonna et ses hommes sont bientôt pris par surprise ce qui prive les italo-suisses du gros de leur cavalerie. Dans le même temps, une coalition d’italiens alliés des Français prend la ville d’Alessandria, assurant pour François Ier un excellent point d’appui.
Apprenant cela, les Suisses qui essayaient jusque là de garder les vallées du Piémont battent en retraite vers Pignerol à marche forcée. Le Pape envoie son neveu Laurent II de Médicis les soutenir avec des unités de cavalerie et d’infanterie nouvelles et nomme un certain Cardinal Schiner à la tête de l’armée de la Sainte Ligue.
François Ier, lui, franchit à son tour les Alpes au Mont Genèvre à la mi août avec sa cavalerie lourde, son train et son artillerie lourde, non sans avoir plusieurs fois essayé de négocier la paix avec les Suisses. Il opère la jonction avec le gros de son armée sur la route de Milan à deux jours de marche à peine des Helvètes[4].
Pour permettre à la logistique d’alimenter ses hommes, François Ier décide d’interrompre la course poursuite et de proposer une nouvelle fois aux Suisses de faire la paix. Les opinions sont alors divisés parmi les cantons suisses mais le parti de la guerre gagne et décide d’attendre des renforts, retranché dans Novare. Peine perdue. Le 27 août, les cantons de Berne, Fribourg et Soleure font défection, et 5000 hommes rejoignent la Suisse. Le 28, une troupe française commandée par le Connétable de Bourbon s’empare de Novare dont les habitants lui ouvrent les portes.
[4] Didier le Fur, Marignan, 13-14 septembre 1515, Perrin, Paris, 2004.
Sources :
Pascal Brioist, Professeur des Universités et membre du CESR